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Fic n°3: Une fraction de secondes

UNE FRACTION DE SECONDES

 Une rue, sombre. Des passants, agacés. Une musique, tonitruante. Elle sort par bribes plus ou moins régulière de l’édifice d’en face. Le vent doux si discret en cette fin de soirée d’un mois de mai pluvieux ne sait même pas se faire entendre à travers cette avalanche de sons. On sait qu’il est là par les feuilles des arbres qui ballotent tranquillement à son gré, mais on ne le perçoit que sur la peau.

 Soudain, la musique change. Un ton plus inquiétant, psychédélique. Une soirée qui s’annonce bien en perspective pour les jeunes fêtards de Bristol... Les autres comptent peu, trop absorbés par leurs vies insignifiantes pour oser penser un peu à eux et se divertir ne serait-ce que le temps d’une nuit. C’est du moins ce que pense le jeune homme qui vient de déboucher à l’entrée de la petite rue. Enjoué, voir même un peu trop, enivré par la musique qui lui emplit les oreilles et par l’alcool qui lui coule dans la gorge... Il s’amuse, pourquoi se préoccuperait-il des autres en un temps de joie si intense?

 Ses deux acolytes le suivent... depuis toujours. Le jeune homme sait qu’ils ne le lâcheront jamais, il en profite donc... un peu trop. Il y pense peu ce soir. Il chante à tue-tête des chansons débiles et fait tourner la tête des passants outrés pour la plupart. Il s’écrie par intermittence : «I’m Cook!!!». Un nom qui représente son appartenance à une famille dont il n’aurait dans le fond rien à être fier. Néanmoins, il se sent moins seul ainsi, moins perdu dans un monde qui le comprend mal...

 Un couple passe à côté du trio l’air visiblement très agacé par le vacarme que Cook ajoute à celui de la musique. Ce dernier croise leur regard indigné. Cette lueur qui étincelle dans leurs yeux le pique au plus profond de lui-même. Ils le dénigrent sans même ouvrir la bouche, sans même ne serait-ce qu’un mot. C’est pire qu’un coup au ventre, il s’énerve.

«What?! What are you looking at, bastards?! »
(Quoi?! Qu'est-ce que vous regardez?!)

 Le couple se détourne, outré. Accélère le pas, angoissé.

«Come on, relax Cook! They’re just thinking that you’re crazy. No big deal, everybody thinks like them, you included. »
(Allez, calmes-toi Cook! Ils pensent juste que tu es fou. Rien de grave, tout le monde pense comme eux, toi y compris.)

  La voix de la raison a parlé! Un autre que Freddie lui aurait rétorqué cela que Cook aurait pété les plombs. Mais à chaque disjoncté, il faut un calmant. JJ de son côté, troisième membre de ce trio infernal, a ses médicaments pour cela. Cook, lui, a son bon vieux Freddie. Le premier pense rarement à ce que le deuxième pourrait ressentir. Celui-ci est pris dans une tempête terrible qui ne se dompte jamais. Toujours aux prises avec les sautes d’humeur de son ami. Et pourtant, il ne lui a jamais tourné le dos. N’empêche, il y a des premières fois à tout et c’est parfois pour le mieux...

 Après s’être longuement laissé ensorceler par la musique, les trois congénères cèdent finalement à ses avances. Ils entrent dans la boîte de nuit déjà bien chargée sous l’œil des gardiens qui, ce soir, semblent n’en avoir que faire des cartes d’identités. La musique est d’autant plus enivrante une fois à l’intérieur de l’édifice. Ses consonances aiguës comme graves vrillent les tympans des danseurs entassés sur la piste de danse, chacun plongé dans une sorte de transe.

Cook, le moral remonté à bloc, s’exclame avec enthousiasme :

«Let’s go for the party!!! »
(C’est parti pour la fête!!!)

Avant de s’élancer vers la foule et de s’y perdre totalement.

 Freddie le regarde disparaître en levant les yeux au ciel, devinant sûrement que ce sera l’une de ses soirées où Cook se mettra dans le pétrin jusqu’au cou et qu’il devra venir à son secours. Mais, au fait, c’est une soirée bien banale, comme les autres dans le fond. Le jeune homme n’a cependant ni l’envie ni même la force de jouer ce rôle une fois de plus, de trop, dans sa vie.

 Il se retourne vers JJ. Celui-ci ne semble pas dans une meilleure forme. Légèrement intimidé par le bruit, la foule, les odeurs d’alcool aigre, tous ses sens étant envahis d’un trop plein d’émotions créées par l’ambiance de la place. Il paraît être sur le point de vomir, de s’évanouir, de rendre l’âme.

 Freddie regarde de nouveau, une dernière fois, en direction de la nuée de monde. Il n’y distingue pas Cook. La foule, la folie de la foule l’a avalé.

«Then, fuck it!», laisse échapper Freddie avant de se retourner vers JJ.

 Il le prend alors par le bras et l’entraîne hors de la boîte, l’écartant d’une mauvaise soirée en perspective. Est-ce que Cook est plus en mesure de s’en sortir seul? Probablement pas, mais Freddie n’en a que faire. Il ne peut que penser à ce que Cook aurait fait dans une situation pareille. Il se serait plongé dans la nuée quand même, mais en y noyant JJ avec lui. Donc, Freddie part. Car, ce qu’il a retiré de la sagesse de Cook tout au long de ses nombreuses années d’amitié, c’est qu’il n’en a pas la moindre...

***

 Assis par terre, lessivé par la soirée, Chris se laisse éclabousser de couleur par les lumières aveuglantes de la boîte. Tenant un joint bien entamé d’une main et une bouteille de bière, la cinquième, de l’autre. Il regarde en souriant les gens se mouvoir autour de lui. Certains lui jettent un regard amusé. D’autres semblent se demander ce qu’il fait là. Mais, la plupart ne le voit pas et trébuchent sur lui tout simplement, ce qui le fait d’autant plus rire. Il est seul, ayant perdus ses amis dans la folie de la nuit. Probablement même pas ici... ailleurs. Il n’a pas vraiment besoin de personne de toute façon, pour le regarder se marrer bêtement au milieu de tous ces gens. Il a ses deux plus vieux et fidèles amis. Drogue et alcool l’entourent, comment ne pas être heureux?

 Il ne se pose pas de questions. Une fraction de seconde, il remarque néanmoins une chose à laquelle il n’avait jamais réfléchit. Dans le fond, tous ses jeunes sur la piste de danse qui semblent heureux, satisfaits, sont tout aussi seuls que lui. Ils dansent peut-être en groupe, mais sont isolés dans leur transe. Coupés du reste du monde par la musique beaucoup trop forte, ils restent là à se mouvoir sans se rendre vraiment compte qu’il n’y aurait personne pour les rattraper s’ils venaient à tomber.

 Chris rit. Il s’imagine le monde basculer, les gens tomber les uns sur les autres comme des dominos. Il réfléchit, encore une fois seulement une fraction de seconde pas plus. Tout ça en fait, c’est seulement dans sa tête. Les gens seuls qui dansent... Ce n’est pas tout à fait vrai. Il s’invente des philosophies afin de mieux supporter sa solitude personnelle...

 Puis, il voit un type soûl vomir sur la robe d’une fille défoncée. Puis, il rit, à pleins poumons. Il a déjà oublié. Drogue et alcool sont vraiment ses meilleurs amis.

 Tout à coup, un petit soubresaut agite la foule. Un type est éjecté de la nuée comme s’il avait été décidé qu’il n’y avait pas sa place. Un veinard se dit Chris. Il semble pourtant agacé. Pourquoi? Chris se le demande bien. Il cri quelque chose en direction d’un point non définissable de la masse de personnes. Chris n’en perçoit pas un mot. Le jeune homme toujours en colère se retourne néanmoins. La foule n’a pas céder à sa requête visiblement. Il le rejette, ça ne fait pas l’affaire du gars. Chris n’arrive pas à comprendre. Il regarde d’un œil vague, le gars qui vient vers lui. Il est agité, Chris pense l’espace... d’une fraction de seconde, qu’il devrait peut-être se lever et partir. Partir, d’accord, mais se lever, pas la force. Il reste donc tranquillement assis à regarder bêtement le gars qui l’approche. Celui-ci arrive finalement à sa hauteur. Non, pas tout à fait. Il reste beaucoup plus haut que lui en réalité.

«Do you sell?»
(Est-ce que tu vends?)

 Le type s’est exprimé en ses mots. Chris tente d’y trouver un sens caché, comme s’il s’agissait d’une prophétie sacrée, d’une grande citation historique, d’une déclaration politique. Il tente de déchiffrer, mais n’y parvient pas. Ça doit être tellement subtil que seul un génie peut y distinguer la vérité.

 Chris regarde donc toujours le gars avec un œil vague et un sourire aux lèvres. Il fait de grands hochements de tête comme si ça pouvait l’aider à comprendre. Le type visiblement bien agacé se répète, mais avec un peu plus d’insistance.

«Do you fucking sell
(Bordel, est-ce que tu vends?)

 Chris ne perçoit même pas le mot ajouté, ni le changement de ton dans la voix du jeune homme. Il est passé à autre chose, la phrase n’a plus la moindre importance. Il tire sur son joint une longue taffe, sans même se rendre compte qu’il s’est changé en mégot.

 Voyant ce drôle de gars complètement paumé fumer ce qui ne peut même plus l’être, Cook abandonne.

«Fuck it, stupid wanker
(Laisse tomber, stupide branleur!)

 Il s’apprêtes à se retourner, une lumière s’allume dans la tête de Chris. Serait-ce son « fuck it» qui l’a réveillé? Probable. Néanmoins, il se relève avec une vivacité renouvelée.

«Hey hey, wait!»
(Hé hé, attends!)

Cook lui jette un regard interrogateur. Le taré n’est pas complètement retardé? Étonnant! Il semblait en bien piteuse état.

«I sell! I need to make some money; I can get you everything you want.»
(Je vends! J’ai besoin de me faire un peu d’argent; je peux t’avoir tout ce que tu veux.)

 Le débile sait se servir de mots... De plus en plus impressionnant.

«Really? You got every drug on you?»
(Vraiment? Tu as toutes les sortes de drogues sur toi?)

 Chris réfléchit. Bien sûr qu’il ne l’a pas sur lui. Quelle idée aussi. Ce type n’est pas seulement un agressif, il est bête également. Mais, comme il semble toujours bien remonté, Chris s’abstient de tout commentaire.

«Well, I have a couple of spliff...»
(Et bien, j’ai quelques joints...)

 Cook ne peut s’empêcher d’étouffer un rire. Ce gars est peut-être légèrement stupide, mais il n’a pas l’air bien méchant. Il s’approche de lui et rétorque :

«Well, I have five box...»
(Et bien, j’ai cinq dollars...)

 Chris le considère un moment. Ce n’est pas avec cinq pauvres dollars qu’il paiera son loyer, mais... vaut mieux ne pas emmerder ce gars-là. Il était bien à cran tantôt et même s’il semble désormais plus calme, il ne faut pas jouer avec le feu...

«Oh right then! It’s a deal!»
(Ok, alors! Marché conclu!)

  Il présente sa main ouverte à Cook comme s’il s’agissait d’une entente d’affaire ou d’un pari quelconque. Cook le fixe... une fraction de secondes, se demandant toujours si c’est une bonne idée d’acheter de la dope à un débile. Puis, il se dit que le gars doit assez bien s’y connaître vu à quel point il est défoncé. Il lui serre donc la main avec un sourire. Chris le lui rend, toujours aussi incertain de son côté. Mais, bon, deux tarés ensemble peuvent pas faire bien de mal si l’on s’en remet à ce fameux dicton : plus on est de fous, plus on rit...

***

 Chris se rassoit donc et sort l’un de ses joints qu’il offre à son nouvel "ami". Cook le prend et après une brève réflexion, s’assoit à côté de lui. De cet angle de vue, les gens semblent tellement plus importants, voir menaçants qu’ils ne le sont en réalité. Il sort son briquet, l’ouvre, pose son pouce sur la roulette et l’actionne. Une flamme surgit le temps d’allumer le joint, puis s’évanouit aussitôt. Cook range son briquet dans sa poche, puis porte le mégot à ses lèvres pour en tirer une longue taffe.

 De son côté, Chris s’est replongé dans son questionnement existentiel. Les danseurs continuent de bouger devant lui et il se demande pourquoi. Pourquoi le type qui se tient maintenant à côté de lui a été rejeté par eux. Peut-être que c’est parce qu’ils se ressemblent tout les deux. Puis, Chris se demande: s’il voulait les rejoindre, serait-il mis à part lui aussi? Toutes ses lumières l’aveuglent, la musique l’assourdit, il a soudain une de ses envies irrépressible de vomir toutes ses tripes. Pourtant, il sait que s’il essaie, rien ne viendra. Quoi de plus pénible que d’être incapable de faire ce que notre corps exige. Chris est maintenant pris de vertiges. Le monde tourne, mais ne tournait-il pas déjà? Probablement, mais il ne s’en était pas rendu compte. Maintenant que c’est fait, ça ne peut plus s’arrêter.

 Cook jette un œil à son "voisin". Il n’a vraiment pas l’air bien.

«Hey! You’re okay, men?»
(Hé! Ça va, mec?)

 Chris n’a cependant pas même la chance de répondre qu’une ombre s’abat sur eux deux. Cachant le jeune homme de toutes ses lumières destructrices qui l’étourdissaient, Chris se sent un peu mieux maintenant. Il  n’en est pourtant rien du côté de Cook qui sent l’adrénaline monter en lui.

 Cette ombre, comme un nuage de foudre menaçant, se trouve être en fait ce gars. Ce gars assez grand, bien bâti, qui fulmine de rage à quelques pas des deux paumés. Ce gars qui avait spécifiquement demandé à Cook de dégager de « son » bar, il y a à peine quelques minutes. Ce gars, finalement, dont il a dragué et, légèrement insulté la sœur tantôt. Oui ce type bien baraqué se tient devant lui sans un mot, mais compte sur ses yeux pour se faire comprendre. Parce que, avec n’importe quel autre gars ça aurait fonctionné. Le type apeuré, voulant éviter de manger des coups, voir de se ramasser à l’hôpital, aurait pris ses jambes à son cou. C’est normal, n’importe qui avec un peu de bon sens aurait réagit ainsi. Donc, le gars attend le départ justifié de Cook. Ce dernier toutefois, n’a nullement l’intention de fléchir. Ça ne lui a pas même effleuré l’esprit le temps d’une fraction de secondes...

«What? You want to ask me if I want to dance with you?»
(Quoi? Tu veux me demander de danser avec toi?)

 Chris, bien qu’ayant les yeux soulagés par la présence du type, ne l’aurait pas formulé comme ça à la place de Cook. Il y a comme une ambiance qui ne sied pas du tout à la plaisanterie dans le coin, Chris peut le sentir.

 Cook lui n’en a rien à faire. Il s’est levé pour mieux faire face au type. Pour le regarder droit dans les yeux et lui montrer qu’il ne le craint pas. Quelle connerie! Même le plus pire des abrutis pourrait prédire ce qui viendra ensuite... Même Chris s’en doute!

  Le type ne prend pas même la peine de rétorquer, à quoi bon, le gars est taré. Sa tête bascule donc en un éclair et vient s’abattre directement sur le nez de Cook qui, sous la force de l’impact, s’écroule au sol. Chris qui n’a pas fait le moindre mouvement pour éviter la chute, la collision, reçoit le poids de Cook sur son crâne. Hé bien, s’il y a une chose qui puisse mettre Chris hors de ses gonds, c’est bien un coup sur sa tête. Une seule petite taloche réussit à le mettre hors de lui. Il se lève en un éclair et sans réfléchir, assène un violent coup de poing au grand gars, bien bâti et enragé. Celui-ci est pris par surprise, mais ne s’effondre pas du moins. Bien planté sur ses larges pieds, il jette un œil à son nouvel assaillant. C’est qui ce débile et d’où est-ce qu’il sort? S’essuyant la bouche du revers de la main, il s’exclame :

«But, who the fuck are you?! »
(Mais, t’es qui toi?)

 Chris ne sait que répondre à cette question si futile. Il regarde le type avec un regard vague... encore. Pendant ce temps, Cook se relève sonné, ne comprenant pas très bien la situation. Il se tient à côté de Chris, menaçant de retomber à tout moment par terre, le nez ensanglanté tout comme son assaillant, quoiqu’en fait... beaucoup plus. Le gars fixe Chris, puis déplace de quelques millimètres son regard et le pose sur Cook. Il s’adresse maintenant à lui, il est curieux, il croit être en droit, et surtout en mesure, d’avoir des réponses à ses questions.

«But, who the fuck is he? »
(Mais, c’est qui lui?)

 Cook tourne la tête vers Chris qui a l’air de se demander ce qu’il a fait de si répréhensible. Il considère toute la situation, toute la soirée, toute sa putain de vie, l’espace d’une fraction de secondes puis prend sa décision...

«I have no idea of who he is, but I can tell you one thing: I... am...Cook!!!»
(Je n’ai aucune idée de qui il est, mais je peux te dire une chose : Je... suis... Cook!!!)

 Avant de rendre son coup de tête au type...

***

 Quelques minutes plus tard, dans la rue sombre de Bristol abandonnée un peu plus tôt, Cook, suivi de près par Chris, font irruption. Le premier, le nez encore plus amoché que tantôt, la lèvre fendue et les jointures couvertes de bleus, entraîne le deuxième, un œil presqu’au beurre noir, de nombreuses coupures sur les joues et boitant d’une jambe, hors de l’édifice. On entend en arrière plan les échos d’une fête qui bat toujours son plein et des grognements sourds d’hommes en colère. Cook perçoit très bien ces derniers. S’adressant à Chris :

«Oh right... Come on
(Allez... Viens.)

 Il le tire par le bras, tandis que Chris vacille dangereusement sur son seul pied valide. Le gars baraqué n’est désormais plus seul, armé de trois autres gars aussi bâtis que lui, il surgit à son tour hors du bar. Cook se retourne le temps de les apercevoir, puis accélérant le pas, ajoute à l’adresse de Chris :

«Oh right... Run!»
(Allez... Cours!)

 Les deux jeunes hommes s’élancent alors poursuivis par les quatre gorilles écumant de rage. Fort heureusement, avec toutes les drogues qui nagent dans son sang, Chris ressent peu la douleur. En temps normal, il crierait à la mort pour sa jambe forcée de fouler le sol bien que sur le point de lâcher. Toutefois, il ne se sent pas trop mal désormais. Probablement, l’adrénaline de la folle poursuite lui fait effet.

 Cook et Chris courent donc à corps perdus dans les rues. Ne prenant pas même la peine de jeter un œil derrière eux. S’ils l’avaient fait pourtant, ils se seraient rendu compte que les quatre types les ont lâchés depuis un moment déjà. Abandonnant une revanche sanglante au profit d’une bonne bière, reprenant, gardant leur souffle tandis que les deux jeunes hommes sont sur le point de rendre l’âme au milieu d’un carrefour bondé de Bristol.

 Ils ne prennent le temps de s’arrêter qu’une fois arrivés devant une série d’immeubles délabrés. Se rendant probablement compte qu’ils sont désormais assez loin pour ne plus craindre.

 Chris s’écroule alors littéralement par terre, ne pouvant plus supporter davantage le poids de tout son corps sur son unique jambe d’éclopé. Cook laisse quant à lui son corps glisser vers l’avant puis se rattrape en empoignant ses genoux. Ne pouvant plus en supporter davantage de son côté non plus, il vomit sur le bord du trottoir. Chris rit. Il rit toujours quand il voit quelqu’un dégobiller. C’est plus fort que lui, encore plus quand il est défoncé.

 Cook se relève, essuie sa bouche d’un revers de main et regarde Chris rire comme un dément. Il le considère quelques instants, il considère de nouveau la situation, puis rit à son tour.

«You’re just as much crazy that I am. That’s just fucking great! »
(Tu es juste tout aussi fou que je ne le suis. C’est juste vraiment génial!)

 Chris n’est pas vraiment sûr de son côté que ce soit si génial, mais si son nouvel ami le pense, tant mieux pour lui. Bien que, cela signifie qu’il est sûrement encore plus débile que Chris lui-même pour penser cela.

 Chris se remet sur ses pieds... difficilement. Prenant appuie sur le lampadaire à côté de lui, il réussit néanmoins à se relever. Il jette un œil aux environs, tentant de se situer dans la ville. En fait, il connaît bien ce coin. C’est à deux pas de chez lui.

«Hey! You know what is really great? I don’t have to take a long walk to going back to home, I leave right there! That’s awesome! »
(Hé! Tu sais ce qui est vraiment génial? Je n’ai pas à marcher super longtemps pour rentrer chez moi, je vis juste ici! C’est merveilleux!)

 Chris sourit bêtement, ça fait également sourire Cook qui ne peut s’empêcher de le trouver naturellement comique avec sa tête de taré.

«Well, can I come with you? I’ll sleep on your coach, or even, I can sleep on the floor. »
(Hé bien, est-ce que je peux venir avec toi? Je dormirai sur le sofa, ou même, je peux dormir sur le tapis.)

 Chris rit et lui rétorque:

«Why? You’re far away from your house? »
(Pourquoi? T’es loin de chez toi?)

«Well, I don’t really have a house so... Yeah, you can say that I’m pretty far away from my house. »
(Hé bien, je n’ai pas vraiment de maison, alors... Ouais, tu peux dire que je suis assez loin de chez moi.)

«Okay, no problem! »
(Ok, pas de problèmes!)

 Chris commence alors à marcher, enfin à se traîner, puis Cook lui emboîte le pas.

«Your parents, are they cool? That’s not going to annoyed them? »
(Tes parents, ils sont sympas? Ça ne va pas les déranger?)

«Huh...no. Not at all in fact, ‘cause I don’t live with them. »
(Heu... non. Pas du tout en fait, parce que je ne vis pas avec eux.)

 Chris n’aime pas vraiment parler de ses parents, mais la conversation semble néanmoins se diriger là-dessus sans qu’il ne puisse l’empêcher. Cook ne se rend pas compte de son malaise, trop occuper par le sien.

«Well, lucky you, right?»
(Hé bien, t’es chanceux, pas vrai?)

«Huh... I don’t know. I don’t really choose that...»
(Heu... je ne sais pas. Je ne l’ai pas vraiment choisi...)

 Cook perçoit finalement le trouble dans son ton de voix. Il jette un œil à Chris qui semble inconfortable. Il comprend rapidement...

«Huh... I’m sorry, I get that. I got shit on my own too. My dad’s a jerk and my mom’s a whore, so...»
(Ouais... Désolé, je comprends ça. J’ai des problèmes de mon côté aussi. Mon père est un con et ma mère est une pute, alors...)

 Cook lance cette phrase avec ironie, en s’esclaffant comme s’il s’agissait d’un rien, d’une blague. Pourtant, Chris comprend très bien également. Prendre la situation avec humour est une des meilleures façons de la vivre sainement. C’est du moins ce qu’il pense... et ce que Cook pense aussi de son côté. Ils n’ont pas besoin de l’exprimer directe ment, ils comprennent chacun ce qu’ils ont à comprendre et ça leur suffit ainsi.

«That’s over there
(C’est juste là.)

 Chris pointe à Cook l’énorme édifice dans lequel se trouve son minuscule appartement.

«I thought that was the residence for the school. The teachers and all stuff. »
(Je pensais que c’était la résidence pour l’école. Pour les profs et le reste.)

«Yeah, it is. I got a place from a friend of mine...»
(Ouais, ça l’est. J’ai eu une place grâce à une amie à moi...)

«All of your neighbours must be teachers or related to your school. That must be suck, isn’t? »
(Tous tes voisins doivent être des profs ou des gens reliés à ton école. Ça craint, non?)

«Kind of... But, that’s not so bad. I got a home at less. »
(Un peu... Mais, c’est pas si mal. J’ai un toit au moins.)

«Yeah, right. And thanks to that, I got too a place where sleeping, so, I stop complains. »
(Ouais, c’est vrai. Et grâce à ça, j’ai aussi un endroit où dormir, donc, j’arrête de me plaindre.)

Arrivés en face de la cage d’escalier, les deux jeunes hommes se préparent moralement à grimper les marches. Tout particulièrement Chris qui sent que ce ne sera pas une partie de plaisir...

***

Chris introduit sa clé dans la serrure. La porte s’ouvre sur une petite pièce blanche uniquement meublé d’un lit et d’une commode. Pour seule décoration, il y a divers emballages de pilules scotchés aux murs. Cook regarde le tout l’air perplexe.

«You must be kidding me! You keep all of your drugs stuff? »
(Tu veux rire de moi! Tu gardes tout tes emballages de médocs?)

«Yeah, well, I had a complete wall of these in my last house, but I lost it. »
(Ouais, enfin, j’en avais un mur complet dans mon ancienne maison, mais je l’ai perdu.)

«Ah, you’re actually totally crazy. »
(Ah, tu es effectivement totalement fou.)

 Cook rit, Chris ne comprend pas bien pourquoi. Pour lui, c’est presque normal.

 Cook s’assoit par terre le dos contre un mur. Il est complètement épuisé. Quoi de plus normal aussi, après s’être fait tapé dessus et avoir couru un bon demi-kilomètre.

 Chris s’assoit sur son lit, également accoté contre un mur. Il sort deux joints de sa poche, en passe un à Cook qui l’accepte. Ils restent là chacun de leurs côtés à fumer, à se relaxer, à profiter sans forcément avoir besoin de penser. Le temps semble alors filer à une allure démentielle, alors qu’il est en réalité presque figé. Les minutes semblent être des secondes, mais sont en fait des heures...

 Après une vingtaine de minutes, d’heures, de secondes, une pensée traverse la tête de Cook. Ça n’a fait qu’effleurer son esprit le temps d’à peine... une fraction de secondes, mais pourtant il continue d’y penser...

«Don’t you think that it’s like a one-night stand without sex? »
(Tu ne crois pas que c’est comme une aventure d’un soir sans la partie sexe?)

 Chris, tout d’abord surpris par la rupture de silence, ne saisit ensuite pas du tout ce que Cook a dit. Il a beau réfléchir, et pour une fois il s’y force vraiment, il n’y a pas moyen. Donc, au risque de passer encore pour un con, s’imaginant qu’il a dû manquer une partie de la conversation, il demande à Cook :

«What?»
(Quoi?)

 Pour Cook toutefois, sa phrase lui semblait des plus simples à comprendre, dans sa tête c’est clair en tout cas. Il réfléchit néanmoins avant de répondre :

«Us
(Nous.)

 Chris est encore loin d’avoir saisi le sens de la pensée de Cook. Sa réponse ne fait qu’ajouter un peu plus de confusion dans l’esprit de Chris. En ne voulant finalement pas passer pour un complet imbécile, il rétorque simplement :

«Well, yeah... maybe...»
(Hé bien, ouais... peut-être...)

 Cook continue de penser de son côté. Il a l’impression de vraiment réfléchir à quelque chose pour la première fois dans sa vie. Enfin, réfléchir à quelque chose d’important qui a un réel sens. Pourtant, il n’arrive pas à le transmettre à Chris, pourquoi? Il tente donc d’aligner ses idées en un ordre plus logique dans sa tête. De manière à ce que ça fasse plus de sens pour Chris.

«I mean. We’ll never see each other again later, don’t we? »
(Je veux dire. On ne se reverra jamais après ce soir, non?)

 Déjà, ça devient plus clair aux yeux de Chris. Ça commence à prendre du sens dans sa tête. Mais, quand même, il ne voit pas bien ou Cook veut en venir.

«Yeah, I suppose you’re right...»
(Ouais, je crois que t’as raison...)

  Chris semble avoir saisi, ça rassure Cook. Il n’est pas tant à côté de la plaque qu’il ne le croyait. Pourtant, il n’est pas sûr de vouloir continuer. Ce sont les drogues et l’alcool qui lui délie ainsi la langue. Quoique, il ne faut pas s’y méprendre, Cook a une grande gueule! Mais, il l’utilise habituellement pour lancer des conneries aux autres, pour les embêter. Il est rare qu’il fasse part aux autres de choses qui lui importent réellement et qui, dans le fond, intéresseraient davantage ses personnes. Il ne fait que sortir des absurdités et des obscénités à longueur de journée et pourquoi? Parce que c’est simple, c’est facile, ça n’implique rien. Ça comporte des conséquences, oui, mais plus au niveau physique que moral. Et, Cook sait très bien qu’il peut prendre des coups sur la gueule et resté impassible devant les attaques, mais le moindrement que les émotions s’en mêlent, que quelque chose vient le frapper dans son estime, il fléchit. Il tombe et si personne n’est là pour le rattraper, il se fait piétiner à mort par les danseurs.

 Il y pense donc un peu avant de poursuivre, mais à quoi bon? Il l’a dit lui-même, Chris et lui ne se reverront sûrement jamais.

«Well... I suppose that is for the best too
(Ouais et... Je crois que c’est pour le mieux aussi.)

 Chris relève la tête. Mais que veut-il dire par là encore? La soirée pèse de plus en plus sur son esprit, il est fatigué, il ne veut pas vraiment penser à ça, il veut dormir. Mais pourtant, ça l’intrigue...

«What do you mean?»
(Qu’est-ce que tu veux dire?)

 Voilà, Cook en est au point où il doit dire ce qu’il a à dire. Ça massacre totalement son estime, ça le rabaissera dans son esprit, mais il sait qu’il a besoin de le dire pour se le faire comprendre à lui-même. Car chaque coup qu’il porte aux autres, est une fracture qu’il s’inflige.

«Well... You’ll don’t know me enough time for I become bad to you... like... I do to everybody else..
(Et bien... Tu ne me connaîtras pas assez longtemps pour que je devienne mauvais pour toi... comme... je l’ai été pour tous les autres...)

 Chris se sent lourd de fatigue, il n’arrive pas à penser normalement. Toutefois, il sent derrière les mots de Cook, une réalité qu’il connaît bien lui-même. N’empêche, il manque de précision dans ses dires.

«Bad in which way? »
(Mauvais dans quel sens?)

 Cook n’a même pas besoin de réfléchir pour donner cette réponse. Ça n’est pas bien compliqué :

«Bad in every way!»
(Mauvais dans tous les sens!)

 Chris commence tranquillement à voir se former le dessin. Le gars bête et agressif de tantôt se révèle être plein de remords, probablement parce qu’il se déteste plus que quiconque ne le pourrait. C’est un sentiment qui est familier à Chris... d’une certaine façon.

«I think I know a guy like you. Well, not exactly the same but, similar. It’s like he need to feel other people, his friends, suffer to endure his own fuck-top life. »
(Je pense que je connais un gars comme toi. Enfin, pas tout à fait comme toi, mais semblable. C’est comme si il avait besoin de ressentir la douleur des autres, de ses amis, pour pouvoir endurer la sienne.)

 Cook relève la tête à son tour. Sérieusement, le type taré et un peu retardé d’il y a à peine une heure, est finalement assez intelligent.

«You just read my mind. We really live in a fuck-top world if two guys like me exist! »
(Tu lis dans mes pensées. On vit vraiment dans un monde dément si deux gars comme moi existent!)

 Chris ne répond pas. Il n’a pas vraiment besoin de toute façon. Il n’y a rien de plus à ajouter, sinon quoi? Une tentative d’explication de pourquoi le monde est si dément? Impossible, si quelqu’un pouvait identifier le problème, il n’y aurait qu’à y trouver un remède. Non, ce n’est pas aussi simple, donc qu’ajouter de plus?

 Cook pense l’espace de... moins d’une fraction de secondes, évoquer ses propres problèmes. Mais, ça lui passe d’envie très rapidement. Qu’est-ce que Chris peut en avoir à foutre de ses problèmes? Il a les siens, il les gère, donc Cook doit le faire seul également. Il s’est tellement souvent appuyé sur les autres pour le sortir des ennuis qu’il ne peut même plus se tenir debout tout seul. Alors à quoi bon s’attacher à une autre béquille si tout ce qu’il pourra en retirer, ce sont des échardes? À rien.

 Donc Chris et Cook restent silencieux dans l’obscurité de la petite pièce. Seule lumière subsistant étant le mégot brûlant du joint de Chris.

 Dans trente secondes tout au plus, cette unique lueur s’éteindra. Dans une dizaine de minutes, Chris prendra son exemple et s’endormira. Puis, dans quelques heures à peine, Cook sortira dans une matinée froide d’un mois de mai pluvieux avec toute sa fatigue encore bien éveillée dans son corps.

 Il marchera dans la brume, puis se retournera. Il pensera alors à revenir, mais ça ne lui effleurera l’esprit qu’une fraction de secondes...

Ecrit par fouine007.

Ecrit par pretty31 
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